La dernière usine de machine à écrire dans le monde arrête sa production. Basée à Bombay, l’usine recevait de moins en moins de commandes. C’est la fin du mythe de l’écrivain.
Tom Sawyer, le héros populaire, symbole de liberté et de l’Amérique aurait-il existé si Mark Twain n’avait pu compter sur sa machine à écrire dans les années 1870 ? L’histoire de Tom Sawyer, c’est le théâtre hypocrite de la petite ville américaine. Avec lui, c’est l’Amérique rebelle socialement approuvée qui finit de rentrer dans le rang.
A leur manière, les écrivains remodèlent et transforment la géographie et l’Histoire. Ils produisent l’illusion à partir d’un réel recomposé. Balzac et Stendhal sont devenus les historiens du présent en inventant le roman historique.
Une autre industrie n’est pas prête de fermer. C’est la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits pour reprendre les mots de Christian Salmon. Les spin doctors, dignes héritiers des chroniqueurs du temps ont inventé dans les années 90 d’abord aux Etats-Unis le Storytelling. Ni plus ni moins inspiré d’une technique narrative enseignée dans les universités américaines pour former les futurs écrivains et les scénaristes.
A force de raconter des histoires, nos politiques alimentent le désamour de la démocratie. Tant est si bien, que les journalistes voient du storytelling partout. La Présidente des Jeunes socialistes Laurianne Deniaud n’a-t-elle pas été accusée de flagrant délit de stories par un journaliste de Rue89 le 26 avril dernier. « Naïma, rencontrée quand je travaillais dans les quartiers populaires… est une jeune femme sans nom (…) . Les responsables politiques ont tous en stock une Naïma… ». Peine perdue. Naïma existe et Laurianne Deniaud a croisé la jeune fille sur le terrain de son travail social d’alors. A l’heure de ce post, le journaliste n’a toujours pas rectifié son délit de faux storytelling. L’espoir réside notamment dans cette génération du 21 avril. Oui à la forme narrative. Non à l’abaissement de la politique !
Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie écrit Myriam Revault d’Allonnes dans un essai qui fera date. Il y avait la fameuse phrase de Churchill « la démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres qui ont été expérimentés dans l’histoire ». Bien sûr, les institutions démocratiques n’ont cessé d’être utilisées pour limiter à une minorité les voies d’accès au pouvoir. Mais, c’est le néo-libéralisme qui est la cause de ce présent liquide cher à Zygmunt Bauman. La disparition des repères en est bien la cause. Le délitement du lien social et la division de la société en sont une autre. C’est aussi cette dictature de l’urgence dépeinte par Gilles Finchelstein où la fabrique des lois est dictée par l’actualité. Mais, la limite de l’action politique incarnée par Nicolas Sarkozy a été fatale à la démocratie. La fameuse phrase de Lionel Jospin sur l’Etat qui ne peut pas tout, lâchée devant des ouvriers de Michelin en 2000 lui a été également fatale. Aujourd’hui, ce sont les agences de notations qui dictent la politique des Etats. Et demain ? « Si Sarkozy perd le triple A pour la France, il est mort » pronostique un proche du Président de la République cité par Le Monde (5 mai 2011). Cqfd.
Pour Tocqueville la mobilité sociale doit être la règle dans la société démocratique. Pour lui, cette réussite s’affirme lorsque l’accès à la richesse devient possible pour les pauvres et l’appauvrissement menace les riches. Nous n’avons jamais autant connu une société si figée. Pendant la crise, les riches sont encore plus riches, et les pauvres encore plus pauvre. Il est temps d’agir…
A Madagascar, la machine à écrire a encore un bel avenir… Dans le monde, les écrivains aussi…
Les adultes sont comme les enfants ils aiment qu’on leur raconte de belles histoires…
Votre billet y contribue.
Bonne continuaion.
Au plaisir de vous lire.
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