Dimanche soir, derrière une grille, dans le palais du Roi soleil, des talons aiguilles noirs jouent dans l’escalier d’honneur une musique permise aux seules déesses , et puis très vite la lumière, l’or et les glaces d’une galerie, des icones glamour Grace Kelly, Marlene Dietrich ou encore Marylin Monroe. Mais c’est notre déesse métamorphosée en star hollywoodienne que tout le monde attend. La lumière joue à cache-cache. Charlize Theron apparait alors illuminée d’or se révélant légende vivante tandis que les flashes crépitent et la musique enivrante. Le réalisateur Jean-Jacques Annaud forcément. Les invités applaudissent. L’amphore peut délivrer son or, un parfum Rose de Mai et Jasmin de Grasse mariés à la vanille de Tahiti et à la fève Tonka. Le film annoncé en dernière page du journal Le Monde, l’exactitude au rendez-vous, la politesse des rois. La soirée d’une douce légèreté égale aux délicates gouttes d’eau sur la terrasse, vestiges d’une après-diner sanctifiée par le rare hommage des Dieux dans ce Sud de la France que j’aime.
Nous sommes au XXIème siècle, à l’heure du digital, de la vidéo à la demande, du streaming, des sites de rencontres instantanées, des réseaux sociaux, des avions disponibles pour passer une soirée à Paris, à Venise ou sur le Bosphore, mais j’ai choisi d’introduire ce post en vous parlant de la dernière création publicitaire pour le parfum « J’adore » de Dior.
Ce film propose un concentré de la publicité réussie : rêve, plaisir, reconnaissance. Dior incarne ici une marque intemporelle aux valeurs intangibles. Tout est dit avec le Château de Versailles, incarnation du Roi soleil, tenant son divin pouvoir de Dieu, de la présence de ces icones qui reste des références de la mode…
Ce film balaie d’un revers de main une polémique née et enterrée dans un ciné d’Angoulême en aout dernier. Au milieu de l’été, le 10 aout, Sud Ouest se fait l’écho de la vive réaction d’une association féministe au sujet d’une publicité diffusée depuis plusieurs mois au cinéma CGR d’Angoulême. Rien que de très banal en somme… Une association « Femmes solidaires Charente » vilipende une publicité dite sexiste. Celle-ci représente un corps de femme nue promouvant de l’électro-ménager de l’enseigne Digital en adoptant des pauses suggestives. Cette publicité, diaporama de photos où se succèdent autour du corps nu pèle mêle, des cuillères multicolores, du matériel informatique, une télévision, un aspirateur de poche, une casserole, une batteuse, une machine à café se termine par la promesse suivante : « Digital, créateur d’émotions ». Oui la publicité est créatrice d’émotions, d’imaginaires, telle un lien émotionnel avec le public… Mais pas celle-là.
« La publicité n’est pas une science. C’est un talent » clament Fred & Farid, de l’agence éponyme dans Les Echos du 9 mai dernier. C’est de cela que je veux parler. Pour un manifeste de la créativité. Jacques Séguéla disait au début des années 2000, que la valeur d’une agence résidait en ses créatifs. La valeur ajoutée d’une agence c’est cet irrationnel qui va emporter l’adhésion et le plébiscite du public. Ce lien émotionnel entre la marque et son public est le truchement d’une idée. Il y a même une thèse présentée par Maria Mercanti-Guerin sur « la créativité publicitaire perçue, modélisation et impact sur le processus de persuasion publicitaire » et que nous dit-elle ? « La créativité est une forme particulière de nouveauté, car elle ajoute à la variabilité l’utilité sociale et la capacité à générer d’autres idées. La créativité peut donc se définir comme une nouveauté pertinente et utile. »
Il est vrai qu’il est plus facile de créer une publicité pour un produit de luxe que de consommation courante. Budget no limit, faste, plan média soleil… Pas si sûr. Il est plus difficile en revanche de redynamiser les ventes d’une marque de Sodas par exemple avec des contraintes budgétaires et des habitudes de consommation tout autre. La publicité doit faire vendre. Et nous devons nous poser la question de l’efficacité de la créativité. C’est à cette aune, qu’elle sera jugée. C’est la marque de fabrique d’Apple où la créativité est son ADN même.
L’exemple le plus récent ce sont les ventes d’Orangina décollant de -5% à +22% en volume grâce à la campagne avec animaux de Fred & Farid. Cette préoccupation est illustrée à merveille par la création d’un Lion Creative Effectiveness en service pour la prochaine édition du festival de la publicité de Cannes (rebaptisé Festival international de la créativité de Cannes, c’est dire ! tout un programme).
Je me rappelle d’ailleurs d’un Directeur de Cabinet de Président de Région disant qu’il ne voulait pas d’une campagne pour gagner un prix, mais d’une campagne pour gagner le cœur des habitants. Aujourd’hui on admet, enfin sans complexe, vouloir conjuguer les deux : créativité et efficacité. Ne m’a-t-on répéter durant mes années d’études que la pub doit faire vendre.
Il est fort à parier que la communication et en premier lieu le nouveau packaging des produits Monoprix (Grand Prix Stratégies de la publicité 2011, agence Havas City, clin d’œil à Aurélie, camarade de promo), se traduisent par des ventes en hausse dans les rayons. D’abord il y a une merveilleuse cohérence, de la com’ des murs des villes aux rayons, mais surtout un design qui donne envie de consommer, de croquer dans le fruit défendu. Des couleurs actuelles, des accroches léchées, un ton humoristique… Et il y a bien sûr la réputation, la valeur de la marque Monoprix, la légitimité d’un commerce de centre-ville pour proposer de tels produits. Ce que naguère Carrefour avait osé avec ses produits blancs-libres qui collaient à l’époque…
Je suis persuadé que loin du coup de com’ permanent, ce qui prime et ce qui emporte l’adhésion et l’acte d’achat du consommateur c’est une stratégie de communication sur la durée où l’ADN de la marque est puissamment encrée. Une marque doit surprendre, innover, fidéliser, rassurer et faire rêver. Dans un monde où le lien social se délite, les citoyens-consomm’acteurs veulent des produits de qualité, robustes, mais surtout aux valeurs fortes, puissantes pour apporter de la rassurance. Ils veulent des produits qui donnent confiance. Pour cela le difficile pari de la pub est de capter l’attention de nouveaux consommateurs tout en conservant la fidélité de son public.
Les jeunes créatifs 2011 consacrés par Stratégies ne s’y sont pas trompés. Chacun d’eux a prolongé l’esprit de la marque, joué sur le territoire de marque pour donner du sens à la créa.
L’efficacité de la créativité repose également sur l’ensemble de la chaine de production basée sur la convergence. Finit le duo CR-DA, bienvenue au trio intégrant un expert du digital pour favoriser une approche multi canal. C’est un signe d’ailleurs si les agences médias s’ouvrent de plus en plus à la créa, aux opérations spéciales pour une intégration publicitaire totale. Et si les agences généralistes intègrent de plus en plus le conseil médias. La créa pour pouvoir s’épanouir pleinement doit avoir été conçue en prenant en compte les différents supports dès le départ du plan médias et les différents canaux : digital… Nous sommes aussi dans le temps de l’agence partenaire.
De Dior J’adore, à Monoprix, de Versailles aux centres-villes, c’est le ROI (Return On Investment) qui prime ! Et c’est une bonne nouvelle pour la pub, qui ne doit pas être seulement belle, mais utile !
« Les surdoués de la créativité », un film qui completera votre propos !
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Un superbe article sur la créativité et la pub !!!!
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Merci Marco 🙂
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