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C’était l’année de l’éclipse totale du soleil. La plus longue du siècle, en 1973. Une année commune commençant un lundi. Cette année-là Pinochet renversa Salvador Allende. Des femmes manifestaient pour le droit à l’avortement. Et Ilon Specht refusait d’écrire un énième spot pour plaire aux hommes. Ça donnera « Parce que je le vaux bien » et ça collera à l’image planétaire de L’Oréal. Un coup de pub de génie. Et le formidable étendard de toute une génération. C’était il y a plus de quarante ans. Et rayant d’un trait le slogan ringard et sexiste du concurrent Clairol : Does she or doesn’t she ? (le fait-elle, ou pas ?). En 2011, le slogan se mue en « Parce que nous le valons bien ».

Et si le slogan de la pépite française, numéro un mondial de l’industrie cosmétique, était entrain de devenir la promesse de tout un pays ? Le pays balloté entre pessimisme et optimiste décrié par certains est entrain de laisser sa place au pays du sourire. La reprise est là (merci François Hollande) et les touristes sont de retour (merci Bernard Cazeneuve). La société du bonheur privé et du malheur public chère à Jean Viard (Nouveau portrait de la France) demeure peut-être, mais Marcel Gauchet a trouvé la solution (Comprendre le malheur français) en nous amenant à accepter l’ordre des choses : la France ne sera plus jamais une grande puissance et plutôt de le regretter, il vaut mieux ranimer la flamme de notre liberté d’esprit et de notre capacité d’imagination.

Le passé n’est pas meilleur que le présent comme le démontre savoureusement Woody Allen dans Minuit à Paris (2011) alors que Gil, l’écrivain américain en herbe, est transporté par une vieille voiture dans les années 1920, les années folles, qu’il se met à adorer en fréquentant Picasso et Hemingway, Adriana, qui appartient à cette époque et dont il tombe amoureux, se laisse fasciner par les années 1860, Claude Monet, Auguste Renoir et Edgar Degas, à la suite d’un voyage en calèche. Bref, chacun à sa manière rêve du temps passé…

Le monde va mieux, contrairement à ce que l’on entend çà et là dans les médias. Steven Pinker, avec La Part d’ange en nous (2011 et traduit en France en 2017), démontre que, malgré le terrorisme, malgré les conflits contemporains, la violence n’a cessé de diminuer dans le monde au cours des siècles. Nous sommes devenus altruistes ! C’est un fait. Avec son nouvel opus (2018) (Enlightenment Now, non traduit), le psychologue nous dit que nous avons toutes les raisons de nous réjouir. Alors faisons-le !

Grâce au supplément Week-end d’Aujourd’hui en France, daté du 14 février, ça ne s’invente pas, nous apprenons que :

  • les abeilles vont mieux (aux Etats-Unis) ;
  • le trou de la couche d’ozone se résorbe lentement mais surement ;
  • l’espérance de vie mondiale est à son zénith ;
  • les homicides baissent ;

Il est grand temps de relire le petit opuscule rouge électrique d’Edgar Morin (2014) dont le titre est suffisamment évocateur pour vous mettre sur la voie : Enseigner à vivre, manifeste pour changer l’éducation. Il s’agit de permettre à chacun de s’épanouir individuellement et de vivre solidairement.

Ne sommes-nous pas porteur de la fameuse expression française : rire dans sa barbe. C’est-à-dire que nous rions de manière discrète, telle une envie de rire sans en rien laisser paraître. Une satisfaction maligne en quelque sorte. Nous savons rire tout doucement en repensant à quelque chose de passé.

Je vous conseille cet exercice qui consiste non pas à la nostalgie, mais plutôt à se souvenir pour vivre l’instant présent. Pour moi, ce sont ces deux musiciens qui, sur la place de la Comédie à Montpellier, interprètent une chanson des Cranberries en mode instrumental à l’aide d’une guitare et d’un djembé. C’était fin février et je venais de quitter mes étudiants de l’ISCOM, j’étais en vacances et un soleil de printemps irradiait le blanc-gris-bleu des pierres de marbre. Au lieu de traverser la place, j’ai pris le temps. Écouter, regarder, sentir et laisser libre court à mon imagination… Et ça tombe plutôt bien, les musiciens ont rejoué le même morceau samedi.

Il s’agit tout bonnement de donner de l’importance à des choses qui sont en apparences anodines et qui font notre quotidien : sourire aux passantes et aux passants, prendre des nouvelles de ceux que nous aimons, allumer des bougies comme le font les danois ou se sentir bien chez soi dans un cadre intimiste (lire les livres de Meik Wiking, en particulier le livre du Hygge et le livre du Lykke).

J’attrape un livre dans une librairie à Toulouse. Hâte-toi lentement. C’est son titre. L’auteur Lamberto Maffei nous invite à redécouvrir les potentialités et les avantages d’une civilisation pratiquant la réflexion, basée notamment sur le langage et sur l’écriture, et à redonner la priorité au temps du cerveau plutôt qu’à celui des machines. Oublier le dernier tweet, le SMS d’il y a quelques secondes et même le dernier like de ma photo sur Facebook. Après tout quelle importance ?

Se souvenir du dernier livre lu, Légende d’un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant et sourire au poète Robert Desnos. Ouvrir son cœur comme le recommande Spirit. Découvrir la magie des coïncidences. Mais surtout réaliser ses rêves. Préparer sa journée de sommeil la journée. Et plus que tout faire confiance à ses intuitions, se fier à son nez, loin de cette société des écrans qui brouille toute perception juste et de ces algorithmes qui veulent capter notre attention et nous enfermer dans un monde où notre temps de cerveau disponible se vend aux enchères.

Le journaliste québécois Jean-Benoît Nadeau, auteur d’un livre sur la société française (The Bonjour Effect, publié en 2016 avec Julie Barlow) ne dit-il pas qu’il s’est émerveillé face aux performances des trains français ou à la qualité des menus de nos cantines…

C’est un été français comme le chante Nicola Sirkis.

shutterstock_214356853Une vaste région aride, sous-peuplées. De longues plaines et des montagnes. Des moulins blancs aux toits de chaume. Un paysage de carte-postale. Un décor de carton-pâte pour qui veut rêver… C’est l’Espagne de Don Quichotte, ce héros qui persistera à dire que sa vision est plus juste que ce qui se voit, comme le note Onfray dans Le réel n’a pas eu lieu. C’est ce chef d’œuvre mondial rédigé au XVIIème siècle par Cervantès. A la même époque, Bacon publie Le progrès du savoir dans lequel il écrit : Comme les actes ou les événements de l’histoire véritable n’ont pas cette grandeur qui satisfait l’esprit de l’homme, la poésie feint des actes ou des événements plus élevés et plus héroïques.

Et ressurgit Cassandre, qui dans la mythologie grecque a le don de prédire l’avenir. Mais faute de s’être donnée à Apollon, ses prédictions ne sont jamais crues… C’est Homère qui en parle le mieux dans l’Iliade où il décrit Cassandre comme la plus jolie des filles de Priam…

Et nous revoilà au XXIème siècle. Et il y a la Pennsylvanie, héritière des tribus amérindiennes, à la forte influence suédoise, aux importantes ressources fossiles, et à la florissante industrie sidérurgique déclinante avec en toile de fond la chaîne des Appalaches et le Mississippi. Cet état américain, pourtant quasi assuré à Hillary Clinton qui fait fondre le vote démocrate peu avant minuit ce 8 novembre 2016.

En Pennsylvanie, des électeurs démocrates de toujours ont eu le sentiment d’être restés fidèles à eux-mêmes en votant pour le candidat républicain. Le journaliste Yves Eudes dans Le Monde décrit Jamie Rupert, 33 ans, qui se dit « démocrate de naissance ». Fille de mineur de charbon, petite-fille d’ouvriers du textile, épouse d’un ouvrier du bâtiment, elle a grandi dans une communauté fidèle au Parti démocrate et au mouvement syndical depuis des générations. Jamie est infirmière ; mais cette année, elle ne travaille pas : elle a deux enfants en bas âge, et elle est à nouveau enceinte. Et elle votera Donald Trump.

Et pourtant, ni les médias, ni les sondeurs n’avaient vu venir le vote de Jamie…
La faute à qui ? A Facebook ? Aux jeunes qui ne savent pas distinguer les vraies infos des fausses ? Aux algorithmes qui nous enferment dans un conte enchanteur ? Aux milliers de tacherons du clic sous-payés par le candidat républicain ? Ou à la perte de la réalité ?

C’est l’argentin Lalo Schifrin [Le Monde du 12 novembre], le compositeur de Mission Impossible, Mannix, Bullit, L’Inspecteur Harry ou Opération Dragon, qui nous invite à écouter le silence et nous livre la solution : « J’ai toujours pensé que composer, c’est poser un problème et le résoudre. »

Titre emprunté à l’entretien réalisé par Bruno Lesprit, Le Monde du 12 novembre 2016

Sept mots accolés au millésime 2015. Le golfe de Gascogne. L’Atalaye. L’eau. Les vagues. Les surfeurs. Et déjà surgissent les ralentis du réalisateur Chris Bryan et la musique du compositeur Hans Zimmer magnifiant les prouesses des célèbres Kelly Slater, Craig Anderson, John John Florence ou Taj Burrow. Peu importe que ces images n’aient pas été tournées à Biarritz. Les championnats de France 2015 de Surf s’y déroulent bien. #CDFSurf2015 ! C’est ce qui relie tout à la fois les participants et les accros, les spectateurs et la foule de la Grande Plage. Le hashtag caracole sur Twitter et Instagram.

Se poser, là devant le Casino. Faire le vide. Contempler le surfeur chevauchant la vague dans l’incertitude de la houle. Songer aux risques qu’il prend. Taille des vagues, force des courants, rochers, requins… Penser à sa propre existence, à ses propres interrogations, à ses propres défis.

Mais le surfeur n’est jamais seul. Les surfeurs sont toujours trois et s’entraident toujours face aux difficultés.

Et si le surf était un modèle de vie ? Tout comme le snowboard, le kitesurf, le freeride, le parapente…

Je pense à Lili Sebesi croisée dans un Intercité, qui a disputé voilà quelques jours à Buenos Aires le championnat du monde de 49er et 49er FX. Elle a 23 ans. Elle conjugue sa passion du dériveur léger avec sa formation en école d’ingénieur à Polytech Marseille. Qui, à l’image de la NetGen, aspire à réussir sa vie en empruntant le chemin de l’épanouissement personnel. Etre heureux, c’est apprendre à choisir nous dit Frédéric Lenoir dans Du bonheur, un voyage philosophique.

Il y a aussi ce jeune étudiant de 19 ans avec qui j’ai partagé un bout de chemin lors d’un covoiturage BlablaCar. Une discussion ininterrompue sur les nouveaux médias.

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« Le nouveau monde que nous vivons repose davantage sur la « société fluide » fondée sur des rapports de flux et d’échanges solidaires mettant en œuvre de nouvelles valeurs, de nouvelles actions et de nouvelles responsabilités. »

Mes yeux se posent à nouveau vers la Grande Plage. Les surfeurs attendent la vague. Cette vague qui résonne tel un nouvel apprentissage, une nouvelle remise en question.

Joël de Rosnay, l’un des « tontons surfeurs », pionniers du surf en France, ne dit-il pas dans Surfer la vie, Comment sur-vivre dans la société fluide « Au-delà des égoïsmes traditionnels à toute volonté de pouvoir, est-il possible que soit en train de naître une société fluide plus altruiste, plus empathique, plus soucieuse de l’intérêt commun que de l’intérêt particulier de quelques groupes ? ».

Petite philosophie du surf. C’est le titre du livre de Frédéric Schiffter, prof de philo au lycée Cantau d’Anglet. Même chargée de périls, chaque vague se présente [au surfeur] comme une occasion de vivre, unique et euphorique.

C’est Laure Belot dans La déconnexion des élites qui rappelle qu’au fil des siècles, des mécanismes de défense et de déni ont classiquement été mis en place par des personnes désireuses de conserver leurs positions dans des systèmes en perte de vitesse.

Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres, disait déjà le révolutionnaire italien Antonio Gramsci.

Seulement voilà, nous vivons déjà le nouveau monde. Ce nouveau monde c’est celui du roman de José Saramago La Lucidité où le peuple d’une capitale vote blanc à 83%, c’est celui des pétitionnaires de Change.org, de la plateforme HelloAsso où un demi-million d’euros est collecté par mois pour des dons et des engagements associatifs, c’est celui du virtuel, nouvel espace de l’engagement.

Rappelez-vous L’Affaire des Quatorze décrite par l’anglais Robert Darton où au printemps de 1749, le lieutenant général de police à Paris reçoit l’ordre de capturer l’auteur d’une ode moquant le roi et sa maîtresse. C’est un coup de filet sans précédent dans tous les collèges et les cafés de Paris ; et lorsque la police ramena, sans parvenir à embastiller l’auteur du poème, un assortiment de petits abbés et de clercs de justice, elle les broya avec toute la puissance de l’autorité absolue du monarque. Cette société de l’information existait bel et bien avant l’Internet. Et Edward Snowden et Julian Assange alors ?

Michel Maffesoli a une réflexion merveilleuse : C’est en se retirant de l’action immédiate, c’est par la force de l’esprit qu’un autre monde émerge.

Et de rappeler que le principe d’autorité a eu le 11ème siècle et l’individualisme le 18ème siècle. C’est l’autre qui me crée.

Cynthia Fleury nous apporte cette réponse merveilleuse « Nous ne sommes pas remplaçables. L’Etat de droit n’est rien sans l’irremplaçabilité des individus. »

Quand allons-nous réellement prendre conscience que tous nos semblables n’aspirent qu’à une seule et même chose : partager. Partager les décisions dans la vie professionnelle, comme se partagent déjà les émotions, les loisirs, les expériences au quotidien. La force d’une idée partagée est bien plus puissante, qu’une décision prise en solitaire dans un bureau clos, parce qu’elle entraine comme la vague la motivation de tout un collectif. Et que dire de ces projets nés par milliers d’idées dont on ne peut identifier le géniteur ?

La chose la plus curieuse, c’est que ce nouveau monde est ignoré par l’opinion publiée des principaux médias et par la plupart de nos dirigeants. Ce sont les mêmes qui entendent restaurer l’autorité, ou lutter contre l’assistanat.

Le nouveau monde que nous vivons repose davantage sur la « société fluide » fondée sur des rapports de flux et d’échanges solidaires mettant en œuvre de nouvelles valeurs, de nouvelles actions et de nouvelles responsabilités.

Ce nouveau monde, c’est la joie collaborative : l’alliance de la société collaborative et de la puissance de la joie.

Et quand la joie du partage se conjugue avec celle de l’identification collective, on connaît les moments les plus forts du vivre-ensemble, dominés par de puissantes vagues d’émotion.

Ce qui fait la valeur d’une vie n’est pas la quantité de choses que nous y avons accomplies, mais la qualité de présence qu’on aura placée dans chacune de nos actions. Lire La Puissance de la joie, Frédéric Lenoir.

 

A lire absolument :

Société collaborative http://magazine.ouishare.net/fr/2015/05/livre-societe-collaborative/

Surfer la vie http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Surfer_la_vie-9782918597728-1-1-0-1.html

Les irremplaçables http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Les-irremplacables

La puissance de la joie http://www.fayard.fr/la-puissance-de-la-joie-9782213661353

Du bonheur, un voyage philosophique http://www.fayard.fr/du-bonheur-9782213661360

Le trésor caché http://www.leoscheer.com/spip.php?article2376

L’Affaire des Quatorze http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/L-Affaire-des-Quatorze

La déconnexion des élites http://ladeconnexiondeselites.fr/

Pour réinventer le lien social, la citoyenneté et la solidarité !

L’information est passée inaperçue. C’était fin mai. Skype ajoutait la traduction à la volée des propos d’une autre langue. Le service de téléphonie de Microsoft allait abolir les barrières de la langue. L’aboutissement de quinze ans de recherche sur la traduction instantanée. Comme si dans ce monde où les saisons s’emmêlent, le printemps jouant à cache-cache, tandis que l’hiver s’obstinant à occuper le terrain, les symboles perdaient de leur sens. L’annonce de la firme américaine succédait à un autre évènement qui aurait bien besoin d’offrir à beaucoup de nos dirigeants une traduction en simultanée. Mais, le 25 mai, il n’a pas neigé. Aucun coup de tonnerre non plus. Matin calme. Comme si nous étions habitués à ce vol de charogne, tel le poème de Baudelaire. Et pourtant, les écoles de traduction existent aussi loin que portent le regard des hommes, depuis des millénaires. Comme si après le Déluge, le mythe de la Tour de Babel devait sans cesse se renouveler. Alors comment en finir avec le Mythe de la frontière ? Aux Etats-Unis, le pays où tout est possible, la conquête du Far West dans les westerns des années 60 tournés par John Wayne mènera bien à l’abolition des fronts pionniers pour donner corps à l’Union. D’ailleurs le mot Frontier est emprunté aux français par les anglophones dès le XVe siècle. Seulement, il n’évoque pas un repli, mais bien un mouvement. Kennedy, ne s’y trompera pas en inventant l’expression « Nouvelle frontière » dans son discours d’investiture pour mieux illustrer son cheval de bataille contre les problèmes non résolus de paix et de guerre, des poches d’ignorance et de préjugés non encore réduites, et les questions laissées sans réponse de la pauvreté et des surplus. Il s’ingéniera à remettre des New Frontier Awards à des américains de moins de 40 ans pour leur contribution au service public. Le mot apparait en français au XIIIème siècle. C’est aussi devenu un tube avec la chanson de Tiken Jah Fakoly « Ouvrez les frontières ». Tandis que Skype/Microsoft abolissent les barrières de la langue et que 300 millions d’utilisateurs de Skype se connectent au service chaque mois, et que WhatsApp proposera sous peu une fonction d’appels téléphoniques à ses 500 millions d’utilisateurs, on fait comment en France, pour réinventer le lien social, la citoyenneté et la solidarité et parler franchement à 60 millions de français ?

Et si le numérique était une chance ? Dans Le Monde du 15 juillet, Monique Dagnaud décrit un conflit de générations où la débrouillardise [des jeunes] est devenue une vertu cardinaleCauseur titre en une La France contre Paris. Et Elisabeth Lévy enchaine « A défaut de chercher à comprendre ce que sont les français et ce qu’ils veulent, le pouvoir central est toujours plus intrusif, toujours plus prompt à intervenir dans la vie de ses sujets en dépit du bon sens, à leur dicter ce qu’il faut penser et ce qu’ils doivent aimer. ».

Et pourtant des signaux faibles, il y en a à la pelle pour entendre ces cris sourds…

Qui se souvient des apéros géants ? Où les jeunes veulent être ensemble. Ça part d’août 2009 à Marseille avec un apéro de 2 200 personnes, puis à Nantes avec le premier apéro Facebook qui réunit 3 000 personnes. Puis viendront Rennes, Brest, Clermont-Ferrand… A Montpellier, le 12 mai 2010 , l’apéro Facebook réunira 12 000 personnes sous la pluie Place de l’Europe malgré l’interdiction préfectorale. Un record. Je m’en souviens, mon bureau d’alors à l’Hôtel de Région offrait une magnifique vue sur la foule. Durant toutes ces manifestations spontanées, la chasse aux adresses IP est lancée pour débusquer les organisateurs… Peine perdue. D’autres phénomènes numériques, peuvent être décrits (voir mon post précédant).

Ce sont les citoyens qui s’emparent d’Internet pour agir différemment et réinventer la société à leur échelle explique Antonin Léonard, cofondateur de la communauté OuiShare (communauté de l’économie collaborative) dans Le Monde Culture & idées du 28 décembre 2013.

Nous sommes dans l’ère du numérique ! Et cela fait lien entre les générations. La démocratie doit également basculer dans le numérique. Il ne s’agit pas de basculer dans le tout numérique. Il s’agit de s’adapter au numérique pour que les institutions ne se coupent pas des réalités vécues aujourd’hui par des millions de concitoyens. Il ne doit pas y avoir de césure entre la vie quotidienne et la relation avec les institutions, administrations publiques et représentants du peuple.

Des preuves ? Podemos, le nouveau parti espagnol issu du mouvement des « indignés », révélation des élections européennes du 25 mai (7,97 % des voix et 5 sièges après seulement quatre mois d’existence) agrège près de 400 000 fans sur Facebook et 200 000 followers sur Twitter, devançant largement les 140 000 oiseaux sur Twitter du PP ou du PSOE. Son médiatique chef de file, Pablo Iglesias, 36 ans, en compte près de 330 000.

Même si, comme l’écrit Hannah Arendt la question du sens de la politique, tout comme la méfiance à l’égard de la politique sont très anciennes, aussi anciennes que la tradition de la philosophie politique. Elles remontent à Platon et peut-être même à Parménide… Je veux croire que la politique est une nécessité pour animer et créer les solidarités indispensables à la vie humaine.

Des pistes ! Il suffit de feuilleter de nombreux ouvrages pour se rendre compte, de la somme d’idées à portées de main pour faire de l’élaboration collaborative des politiques publiques une réalité. Cela pourrait être : la démocratie collaborative (Julien Cantoni) en proposant un ensemble d’instruments démocratiques plus agiles, plus ouverts aux citoyens mais respectueux de la démocratie représentative en sollicitant les citoyens là où ils vivent leur sociabilité (la place publique bien sûr, mais aussi les réseaux sociaux : Facebook et Twitter en tête).

Pourquoi ne pas créer un réseau social à l’échelle d’une ville pour débattre et inviter les habitants à donner leur avis et à faire des propositions ? Ce réseau doit être l’intranet des habitants d’une même ville, tout à la fois portail des services municipaux, des associations et de l’ensemble des acteurs. La Smart city (« ville intelligente » communicante et durable) ne doit pas se limiter aux seules infrastructures. Elle doit offrir une relation à l’usager interactive et mobile, faire communiquer l’ensemble des acteurs et objets et mener de nouvelles formes de coopération.

 

 

Pour en finir avec les apôtres de la dépression collective

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Tout est allé très vite. Le train annulé. L’Internet. Le rendez-vous à la sortie d’autoroute. Et l’entrée dans un nouveau club. Celui des gens qui covoiturent. Celui des gens qui ne se connaissent pas et qui se font confiance. Nous sommes cinq dans le combi. Trois hommes. Deux femmes. Au volant, l’étudiant d’à peine dix-neuf ans. A côté, une jeune et silencieuse stagiaire de vingt ans. A l’arrière, un jeune homme de trente ans qui enchaine les petits boulots. Au milieu une jeune trentenaire prolixe, un peu paumée, un peu attachante. Il y a un toulousaine, une basque, un biterrois, un nordique. Et puis, il y a moi. Au milieu d’enquêtes en tout genre et d’interview d’experts qui abreuvent l’opinion publiée sur la « dépression collective » et la peur de l’autre… il y a ce voyage sur l’autoroute de la confiance qui défie toutes les statistiques : les jeunes conducteurs, les accidents de la route, les arrêts sur les aires d’autoroutes, les filles seules, les voyages de nuit… Il y a ce moment suspendu dans un espace-temps où l’on parle de sa vie, de ses envies, de ses phobies, de ses hobbies, de musique et même de politique. Un forum non organisé. Une rencontre spontanée. Des sourires. Des partages de Petits Ecoliers… Jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ? C’est pourtant l’opinion publiée d’une majorité de français selon un sondage effectué par OpinionWay du 25 novembre au 12 décembre auprès d’un échantillon représentatif de 1803 personnes…

Mais où est donc cette dépression collective dans laquelle les français sont censés s’enfoncer ? En tout cas pas sur la toile qui fourmille de gens connectés… pour organiser sa vie, participer à des projets, se rendre mutuellement services… S’il y a bien quelque chose de commun entre un site de covoiturage, une plateforme communautaire de location de lieux d’hébergement, de financement participatif dédiée aux projets créatifs et innovants ou un site de petites annonces, c’est bien l’établissement de nouvelles sociabilités, invisibles à l’œil nu.

Ces communautés de partages, loin des grandes incantations institutionnelles, font liens et sont l’illustration même d’un « vivre ensemble » organisé par les gens eux-mêmes. Et ça tombe plutôt bien, car ces nouvelles expresions collectives au-delà de proposer de belles expériences, portent des noms enchanteurs : BlaBlacar (covoiturage), KissKissBankBank (financement participatif dédiée aux projets créatifs et innovants), leboncoin (petites annonces), Air BnB (location de lieux d’hébergement)…

Tout cela se passe sur la toile. Les mêmes technologies qui ont permis de propulser les printemps arabes, la révolution orange, et d’autres mouvements spontanés permettent aux gens ordinaires de créer des liens en dehors de toute organisation. Pour avoir une photo de ce vivre-ensemble numérique, il suffit d’aller sur Instagram où l’on partage avec des filtres de toutes les couleurs tout à la fois des moments de joies, de peines, d’enchantements… Ce que Gutenberg a fait au Moyen-Age avec l’imprimerie, d’autres le font avec le numérique. Et cela bouleverse tout. A la propriété, à l’autorité, à la coexistence, c’est le partage qui l’emporte.

La philosophe Michela Marzano, citée par CLES, ne dit-elle pas : « En ne faisant jamais confiance, on prend un risque encore plus grand : celui de se condamner à une vie sans amour. »

 

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